Par Jean-François Fontaine, B. ing. M.Sc.A. Profit Maker & Speaker chez Vision Profit
Dans ma pratique d’expert en efficience organisationnelle, les chefs d’entreprise me sollicitent souvent pour une multitude de besoins, mais je suis toujours étonné de la nature de ceux-ci, qui sont davantage orientés vers la résolution de problèmes opérationnels. Rarement, ils remettent en question leur modèle d’affaire comme si il était immuable et aucunement relié à une mauvaise performance financière.
Le raisonnement typique est le suivant :
Mon entreprise n’est pas rentable parce que mon équipe de vente ne performe pas et/ou parce que mes coûts sont trop élevés?
Bien qu’il soit tout à fait pertinent de viser à réduire ses coûts et à vendre plus, ces objectifs visent des améliorations de formes plutôt que de contenus. Dans les faits on vise à assurer, d’un point de vue opérationnel, un fonctionnement optimal des activités de l’entreprise. Mais qu’en est-il de la nature de nos produits et services, comment s’assurer que nous offrons simultanément des produits qui répondent aux besoins de nos marchés et qui sont au sommet de la liste de nos produits le plus rentables?
Notre offre doit viser simultanément à cibler les marchés à hauts potentiel et en même temps faire partie des produits les plus rentables que nous offrons!
C’est ce que j’appelle faire de l’efficience organisationnelle ou l’on doit chercher à « briser » les silos des ventes et des opérations afin d’optimiser le travail de l’équipe de vente, mais aussi, celui de l’équipe des opérations. Les considérations stratégiques priment sur les considérations opérationnelles parce que l’optimisation de l’offre permet d’identifier des objectifs opérationnels qui découlent de notre modèle d’affaires.
Mais concrètement, définir son modèle d’affaire, qu’est-ce que ça veut dire exactement si je connais la rentabilité de tous mes produits et services qui j’offre?
N’ai-je pas qu’à offrir les produits que je considère comme étant les plus rentables pour maximiser mes profits!
Redéfinir son modèle d’affaire, ça veut dire remettre en question les « immuables » qui nous caractérisent et qui guident nos décisions. Ceux-ci peuvent nous amener sur une fausse route nous faire prendre de mauvaises décisions.
Laissez-moi vous donner un exemple concret de ce qu’est un « immuable » :
Dans la plupart des entreprises, nous avons l’habitude d’allouer les coûts de main d’œuvre à nos produits et service comme si ceux-ci pouvaient apparaître ou disparaître en fonction d’obtenir ou non une commande.
À l’époque où nous rémunérions notre personnel sur la base du travail à la pièce, ce raisonnement était tout à fait pertinent. Mais qu’en est-il aujourd’hui dans un environnement où la main d’œuvre qualifiée n’est plus aussi disponible et où les coûts de formation sont élevés. Nous ne voulons pas perdre l’expertise que nous avons développée à grands frais!
Donc nos coûts de main d’œuvre ne sont plus liés comme nous le pensions à nos volumes de ventes. Comment s’assurer que notre méthode d’évaluation de la rentabilité de nos produits prend en compte ce changement fondamental dans le fonctionnement de notre entreprise? Que va-t-il arriver à mon organisation si je vends des produits qui finalement n’ont pas la rentabilité que je pensais?
Vais-je voir mon chiffre d’affaire augmenter pendant que mes profits diminuent?
Ce n’est qu’un exemple qui vous permet de constater que les immuables peuvent nous faire prendre de mauvaises décisions. Pensez à tout ce que vous pouvez prendre pour acquis dans votre organisation mais qui finalement est un « immuable » qui doit-être remis en question.
Et ce qui est encore plus fondamental, je ne parle même pas de tous les changements technologiques qui changent le comportement de nos marchés, de nos clients qui n’achètent plus de la même façon, comment s’assurer que notre modèle d’affaires tiens compte de tous ces « immuables »?
Cette remise en question des « immuables » est fondamentale afin de s’assurer que notre modèle d’affaire est toujours adéquats et pertinents compte tenue de nos objectifs de croissance. Quand on y pense, la recette est simple :
Premièrement, on doit se questionner sur ces immuables et identifier comment ils impactent notre modèle d’affaire actuel? Sommes-nous dans la pensée magique où rien n’a changé et tout continu comme avant?
Deuxièmement, nous devons s’assurer hors de tout doute que nos méthodes d’évaluation de nos marchés mais aussi de la rentabilité de nos produits sont à la fine pointe des changements de notre société. Notre modèle d’affaire doit démontrer concrètement et de manière reproductible que nos hypothèses de rentabilités sont mesurables dans le temps afin de permettre d’ajuster si requis notre modèle d’affaire.
Troisièmement, nous devons identifier des objectifs qui vont améliorer le résultat de l’organisation dans son ensemble plutôt que les opérations ou les ventes de manière individuelle.
C’est donc à ce moment qu’il est tout à fait pertinent d’améliorer la performance de la force de vente, en lui permettant de « vendre » les véritables produits les plus rentables qui correspondent aux besoins de nos marchés.
Améliorer la force de vente doit-être accompli en aval de la remise en question du modèle d’affaire
À retenir
Valider ou redéfinir le modèle d’affaire de l’entreprise doit-être réalisé en amont à tout exercice d’amélioration de la productivité des ventes ou des opérations. Le but étant de permettre de clairement identifier des objectifs cohérents qui vont éliminer les frontières entre les silos. La remise en question des « immuables » est essentielle afin d’éliminer le biais du temps qui passe. Les constats d’impacts de ces « immuables » permettent de s’assurer de la véracité de nos hypothèses de rentabilité afin d’atteindre nos objectifs de profits et répondre à tous les changements qui nous force à évoluer.
Nous devons cibler l’efficience organisationnelle plutôt que l’efficience opérationnelle de nos activités de ventes ou de production si nous voulons se démarquer de notre compétition avec une stratégie de différentiation qui correspond aux besoins du marché et aux forces de notre organisation.